newsletter lexocia 2023 décembre, actualités en droit social

Newsletter décembre 2023

Les avocats du Cabinet LEXOCIA vous présentent leur sélection d’actualités sociales et des décisions rendues par la Chambre sociale près la Cour de cassation sur la période courant du 1er au 31 décembre 2023.


POLE EMPLOI EST MORT ! VIVE FRANCE TRAVAIL !

La loi n°2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, dont le principal objectif est de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, institue notamment un nouvel opérateur du service public de l’emploi : France travail.

France travail a remplacé Pôle emploi depuis le 1er janvier 2024 et conserve les missions auparavant dévolues à Pôle emploi.

Cet opérateur sera également chargé d’organiser la collaboration des différents acteurs de l’emploi et, ce faisant, contribuera à établir un réseau pour l’emploi répondant aux besoins des demandeurs d’emplois comme à ceux des employeurs.


AVIS D’INAPTITUDE ET DISPENSE DE RECLASSEMENT

Une fois n’est pas coutume, selon arrêt en date du 13 décembre 2023, les juges près la Cour de cassation ont eu à trancher un litige quant à la rédaction de l’avis d’inaptitude par le médecin du travail.

Pour rappel, l’article L 1226-2-1 du Code du travail prévoit que l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement du salarié déclaré inapte dès lors que l’avis du médecin du travail comporte la mention suivante : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

En réalité, l’avis d’inaptitude comporte des cases à cocher pour chacun des cas de dispense de l’obligation de reclassement.

En l’espèce, le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste en cochant la case de l’avis d’inaptitude selon laquelle « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », il avait également précisé que l’inaptitude faisait obstacle « sur le site » à tout reclassement dans un emploi.

Les juges du fond, suivis par les juges près la Cour de cassation, ont estimé que la dispense de reclassement n’était pas totale de sorte qu’il appartenait à l’employeur, malgré la case cochée par le médecin du travail, de satisfaire à son obligation de reclassement.

Dans ces circonstances, il est vivement conseillé aux employeurs d’être particulièrement vigilants quant à la rédaction de l’avis d’inaptitude et, partant, de ne pas se contenter de la case cochée par le médecin du travail mais de l’interroger en cas de doute quant à l’interprétation de l’avis d’inaptitude qu’il a rendu.

➡️ Cour de cassation. Civile, Chambre sociale du 13 décembre 2023 n°22-19603, Publié au Bulletin.


PREUVE ET APPLICATION MESSENGER : LA SAGA CONTINUE !

Il convient de rappeler que, selon arrêt en date du 4 octobre 2023 n°21-25452, la Chambre sociale de la Cour de cassation estimait que la production des photographies extraites du compte Messenger  (ou messagerie Facebook – META) portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, en l’espèce la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières employées dans son établissement de sorte que la preuve produite par l’employeur, bien qu’elle provienne de Messenger, était recevable.

Poursuivant dans cette acception du droit de la preuve, selon arrêt en date du 22 décembre 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation admet dorénavant que :

 « Aussi, il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Dans un second arrêt, l’Assemblée plénière a néanmoins considéré que la question de la valeur de la preuve provenant de Messenger n’avait pas lieu d’être dès lors qu’un fait personnel, sauf à constituer un manquement à ses obligations professionnelles, ne peut justifier le licenciement d’un salarié.

En l’espèce, un salarié intérimaire avait pris connaissance d’une conversation Messenger (ou messagerie Facebook – META) sur le poste du salarié qu’il devait remplacer, le compte Facebook de ce dernier étant resté ouvert.

Dans cette conversation, le salarié absent sous-entendait auprès d’un de ses collègues que la promotion dont avait bénéficié l’intérimaire était liée à son orientation sexuelle ainsi qu’à celle de son supérieur hiérarchique.

Après que l’intérimaire ait transmis cette conversation à l’employeur, le salarié était licencié pour faute grave.

Excipant du principe de loyauté de la preuve et du droit au respect de sa vie privée, ce dernier contesta la mesure disciplinaire dont il avait fait l’objet.

L’Assemblée plénière a confirmé que le licenciement disciplinaire du salarié ne peut pas être fondé sur une conversation privée par messagerie personnelle, en l’espèce Messenger,  lorsqu’il n’y a aucun manquement du salarié à ses obligations professionnelles ; dans une telle hypothèse, la question de la preuve ne se posant pas.

➡️ Cour de cassation, Assemblée plénière, arrêts en date du 22 décembre 2023 n°20-20.648 et n°21-11330 – Communiqué : usage devant le juge civile d’une preuve obtenue de façon déloyale.


CONGÉS PAYÉS : QUID DE L’APPLICATION DES ARRÊTS DU 13 SEPTEMBRE 2023 ?

Pour rappel, (cf. Newsletter septembre 2023) selon arrêt en date du 13 septembre 2023 (arrêt n°22-10529), la Cour de cassation a jugé que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés « ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés ».

Ce faisant, cette décision fait nécessairement peser un risque financier et contentieux sur l’employeur dès lors que des salariés pourraient soutenir qu’ils n’ont pas été en mesure de prendre leurs congés payés de sorte que la prescription n’a pas commencé à courir.

De même, les juges de la Cour de cassation ont décidé de se mettre en conformité avec la jurisprudence communautaire et ont ainsi considéré que les salariés dont le contrat est suspendu en raison d’un arrêt pour « maladie simple » acquièrent des droits à congé payé (arrêt n°22-17.340).

Puis, dans un second arrêt rendu également le 13 septembre 2023, les juges de la Cour de cassation ont estimé que les absences, pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle, d’une durée supérieure à un an doivent être prises en compte dans leur totalité pour la détermination du droit à congé payé (arrêt n° 22-17.638).

Par suite, sans doute conscient du risque précité, Monsieur le Ministre du travail Olivier DUSSOPT, a fait connaître son intention de « sécuriser au maximum la situation [des entreprises] » dès lors que selon lui « plus le temps passe, plus le risque de contentieux est important ».

Madame le Premier Minsitre Elisabeth BORNE a quant à elle fait part de son intention de mettre en conformité, au premier trimestre 2024, le droit français tout en précisant qu’elle souhaitait « réduire au maximum l’impact de ces décisions sur les entreprises ».

Selon courrier à ses adhérents, Monsieur le Président du MEDEF Patrick Martin a affirmé avoir obtenu, le 1er décembre 2023, du Ministère du travail qu’il reprenne dans la future loi de mise en conformité plusieurs mesures ainsi qu’il suit :

  • L’encadrement de l’accumulation des congés payés pendant les arrêts maladie, en l’espèce, un plafonnement à 4 semaines de congés payés par an pouvant être acquis en cas d’arrêt de travail non lié à un accident du travail ou maladie professionnelle ;
  • L’instauration d’un droit au report des congés payés sur une période de 15 mois ;
  • Il indique également que le Ministère du travail se serait engagé à expertiser les dispositions sécurisant le passé.

Le Ministère du travail a néanmoins précisé qu’aucun engagement formel à mettre en œuvre ces dispositions n’a été pris.

Ce qui est bien évident puisque s’agissant des arrêts du 13 septembre 2023, il reste dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Enfin, Monsieur le Président du MEDEF a également indiqué qu’un nouveau point d’étape avec le Ministère du travail serait organisé fin janvier, l’affaire est donc à suivre…

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